"-On va où? - Chez ta mère!"

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Afin de continuer notre itinéraire de promeneuse heureuse, toujours autour de la thématique des bistrots de quartier, faisons un détour par la rue Camille Sauvageau . Faufilons-nous à l'intérieur de cette branche sinueuse, en pente, reliant la place Saint Michel aux quais. Prenons-la, cette rue qui nous entraîne vers notre rencontre de la semaine : l'équipe de Chez ta mère.

C'est dans ce troquet que, lorsque nous entrons, deux créatures, Nadia et Nat, nous saluent vivement d'une voix honnête et puissante.

Par cet accueil franc et éclatant, l'immersion en ce lieu donne lieu tout d'abord une douce chaleur dans l'âme. Où s'articule une ambiance bon enfant, que l'on appellerait de « vieux de la vieille », sont incarnés les traits d'une vive convivialité et d'un émouvant enthousiasme. Les murs y sont parés de portraits et d'objets insolites, les tables à manger, aux couleurs flashies et pleines de couverts entre-choqués, y sont gentiment agencées et les chaises crient de temps à autre sur un carrelage grinçant, comme dans une cantine de la fin des années 50.

L'équipe de Chez ta mère comprend deux figures issues de ce qu'on appelle le Bordeaux rock, tout à fait exceptionnelles : Nadia au comptoir -sphinx dynamique et sincère- et Nat aux fourneaux -reine burlesque et franche- .

En outre, deux constellations qui déploient, partagent, exaltent l'esprit de ce lieu.

Oui, car qui dit bistrot de quartier, dit une âme singulière et recherchée.

Et quoi de mieux que ce bistrot, aussi restaurant, où règne une véritable osmose,

un caractère familial, une entente profonde.

Le plus amusant c'est que dans le concept même de ce repère, rien n'a été pensé !

Est-ce cela qui en fait définitivement une adresse hors du commun?

Pas de prise de tête, une ambiance « à la cool », Chez ta mère, c'est une manière de faire, un art de vivre, en perpétuel effervescence. C'est pouvoir être seul(e) à une terrasse, un verre à la main, sans faire l'expérience d'aucune perturbation mal intentionnée, simplement connaître le spectacle de quelques bienveillantes attentions et/ou être le témoin d'anecdotes formidables. Effectivement, le bistrot abrite toute une société d'habitués, de totems du quotidien, de personnages inspirés qui diffusent des bribes de légendes au gré des conversations et des rires.

Finalement, c'est quoi un bar de quartier ? Pour les bars eux-mêmes et ceux qui s'y rendent ? « Si tu n'as pas d'âme, tu penses pas tenir un bar de quartier » nous dit Nadia. Un bar de quartier rassemble les acteurs d'une pièce exclusive, intemporelle et rayonnante d'humanité et de sensibilité. Cependant, nous pouvons observer que les bars de quartiers se perdent. Les quartiers eux-mêmes se perdent, donc les bars de quartier se perdent en conséquence! Et l'esprit de ces bars de quartiers s'embaume de nostalgie au gré des soirées, au fil des pensées.

Malheureusement, ce n'est pas le voisinage qui participe à la survie de lieux aussi généreux et emplis de vérité(s) ! Au contraire, et particulièrement au cœur du quartier Saint Michel, Bordeaux voit ses refuges changer, ses enfants en quête de l'endroit, du bar dans lequel respire amour, partage, humanité. Privés de décor qu'ils chérissent, les enfants de la ville se voient comme dépossédés et incompris.

Le voici le maître mot!ne pas être un client parmi tant d'autre, conserver l'aspect relationnel entre un particulier et un homme ou une femme de café, prendre soin de cette délicatesse entre êtres humains si chère à notre cœur et si bon pour l'âme. En caresser la fragilité, et insuffler l'ardeur entêtante de la résistance.